07-08-09 Juin 2017
INTRODUCTION
Lors de notre réunion de début d’année, le club des Randonneurs Autonomes Aquitains avait retenu le projet d’accompagner notre président Maurice dans la quête de son R100001 et plus précisément au départ de la Super Randonnée de Haute Provence. Dès cette date nous étions 6 membres des RAA à vouloir l’accompagner. Depuis le règlement des « Super Randonnées » a évolué avec l’uniformisation des délais à 60 heures pour l’ensemble des parcours, quelques soient les écarts de dénivelés.
Dans notre cas, cette récente modification n’a pas généré de nouvelles candidatures, mais devrait nous permettre d’améliorer le “confort” nocturne, donc de profiter plus largement des paysages remarquables et permettre une plus grande cohésion du groupe, sans esprit de compétition, juste le plaisir de partager une aventure entre amis et de rentrer dans les délais…
LA RANDONNÉE
Cette randonnée permanente au départ de Carcès, organisée par l’AUDAX CLUB PARISIEN, créée en 2008 par Sophie Matter peut se résumer simplement par quelques chiffres pour les non-initiés :
- 612 km (à vélo)
- 12800 mètre de dénivelé
- 60 Heures (délai randonneur)
- 15 points de contrôles à immortaliser par une photo
- 16 cols ou sommets répertoriés sur la feuille de route
- 4 départements : Var, Alpes de Haute Provence, Drome et Vaucluse
- Avec en prime un tour complet des gorges du Verdon et le Mont Ventoux !
- Et tout cela en totale autonomie (les véhicules d’assistance sont interdits)
Le choix de la date et de l’heure de départ est libre mais doit être communiqué lors de l’inscription.
Afin de profiter de la fraicheur matinale, Alain, Bernard D., Bernard S, Maurice et moi-même avons opté pour un départ à 5H00 ainsi que la réservation d’une chambre d’hôtel à Saint Etienne les Orgues pour clore une première étape de 269km. Pour la suite nous improviserions individuellement …
Dominique et Jean-Marie qui ont reconduit leur duo de « cinglés du Ventoux»2, ont choisi, compte-tenu de l’allongement des délais, un départ à 7H00. Adeptes de l’improvisation totale, c’est à la belle étoile qu’ils prévoient leurs pauses nocturnes.
LA CARTE :
PROFIL DE LA RANDONNÉE :
LES PREPARATIFS
J’avais débuté cette nouvelle année par une coupure complète durant les mois de janvier et février. La reprise de la saison des BRM a pour ma part été un peu poussive par le manque d’entrainement. Grâce à l’enchainement des BRM successifs de 200, 300 et 400 dans des conditions climatiques parfois éprouvantes (ce n’est pas Jean-Claude « Imvv » qui me contredira ! ), un Bordeaux-Sète au parcours exigeant, et c’est avec 3000 Km au compteur que je pars confiant pour ce défi.
Côté organisation, c’est au camping de Carcès que nous nous sommes donné rendez-vous la veille du départ. Nous y avons réservé un mobil-home pour quatre et un emplacement pour les adeptes de la toile de tente, Maurice nous y devancera en camping-car.
Nos montures préparées, nous nous attablons autour d’une copieuse assiette de pâtes à la table d’une pizzeria comme pour fédérer nos énergies. La météo annoncée semble clémente.
23H00, extinction des feux, j’ai du mal à trouver le sommeil malgré 700 km et 7H00 de route, je révise mes
gammes pour ne rien oublier …
LE RÉCIT
Mercredi 7 juin 2017 – 4H00, cela bouge dans le mobil-home.
C’est le jour « J », je ne mets pas trente secondes pour me lever, je profite de la salle de bain encore libre avant d’enfiler ma tenue bien rangée en attente
Un rapide coup d’œil dehors ; la température est clémente mais le vent s’est levé … peu importe …
Je me mets en charge du petit déjeuner pour mes compagnons de nuitée. Chacun se prépare sans bavardages inutiles, concentrés pour leur première SR…
4H50, Maurice nous a rejoint, nous quittons en silence le camping, traversons le village endormi pour prendre la direction du point de départ situé au panneau sur la route de Cotignac.
Afin d’optimiser nos temps d’arrêt aux points de contrôle, je propose de centraliser la prise des clichés, inconsciemment, une raison de plus pour rester groupés…
5:10, nous nous éloignons du panneau « CARCES », je ferme la marche.
Les premières lueurs de l’aube sont déjà visibles, la température est agréable et le vent semble vouloir nous accompagner…
Concentré, tous mes sens sont en éveil. Nous sommes bien dans le « Sud » le parfum des fleurs semble démultiplié. Les oiseaux nous encouragent au passage, au loin même un coucou se fait déjà entendre.
La route s’élève gentiment, nous progressons à un rythme commun qui semble convenir à chacun.
Dès que la pente augmente, Bernard S. s’éloigne dans son style singulier sur la « grosse plaque».
A col de Bigue, le ton est donné ; tout le monde s’attend …
Le lac de Sainte Croix en vue, nous sommes dans le parc naturel régional du Verdon
Nous entrons dans les gorges du Verdon, la route devient plus fréquentée, partagée avec les touristes étrangers dont de nombreux motards à sacoches.
Passé le col d’Illoire nous enchaînons avec le col de Vaumale, le second point de contrôle est situé dans la montée en amont du col. Je devance mes coéquipiers, il est 8H15 lorsque je pose mon vélo au pied du panneau indiquant la source de Vaumale. Il n’y a pas plus de 5mn d’écart entre nous, juste le temps de poser successivement pour la photo. Les temps de passage, avec l’aide du vent sont conformes à ma feuille de route.
Une dernière photo avant d’en finir avec la montée…
Nous restons prudents dans la descente, le regard attiré par le paysage grandiose qui s’offre à nous.
Un arrêt BPF3 à la falaise des Cavaliers et nous nous retrouvons sur le pont d’Artuby, haut lieu des adeptes du saut à l’élastique.
Je suis tenté de m’arrêter pour prendre davantage de photos et d’immortaliser les couleurs du club avec en fond quelques passages mythiques, mais la route reste
exigeante, étroite et de plus en plus fréquentée.
Les virages s’enchaînent, les montées succèdent aux descentes, je suis un peu désorienté …
C’est là que Bernard D. m’indique : « Tu vois la route en face (sur l’autre rive des gorges), c’est là qu’on doit passer … » Waouh !
La température commence à monter également, les crèmes solaires sont de sortie…
Le passage du Var aux Alpes de Haute Provence, marque un changement d’orientation de notre itinéraire.
Nous roulons vers l’ouest et le vent bien que « modéré » est à présent défavorable.
Bientôt 100 km de parcourus et nous voici devant le panneau indiquant la direction de la route des crêtes.
Nous attendent plus de 7 km de montée, avec peu d’ombre, une pente entre 8 et 12%, des paysages à couper le souffle (si cela ne suffisait pas !).
Pour ma part j’avais déjà reconnu cette route lors d’un stage du Soleil à Gréoux les Bains, et devant la cohorte de touristes présents à chaque belvédère, je reste concentré sur mon effort, le petit plateau est de mise, je tourne les jambes, mes bidons se vident.
Il est 11H45, 1 km avant le sommet, comme indiqué par la feuille de route j’aperçois le panneau au « long texte » de la route des crêtes point de contrôle N°3. J’ai à peine le temps de photographier mon vélo, que mes compagnons arrivent.
Nous remontons rapidement sur nos montures pour en terminer avec cette montée aux pentes maintenant adoucies. Récompense pour certains, suivent 14 km de descente aux abîmes vertigineux.
La feuille de route de Sophie invite à la prudence, effectivement de nombreux débris de roches jonchent les bords de la chaussée, de plus, des travaux d’enfouissement de câbles ou autres fibres sont en cours et laissent une belle balafre sur le bitume.
Nous faisons la descente « dans les voitures » ou plutôt les camping-cars …
Dans cet exercice, Alain est certainement le plus à l’aise d’entre nous, mais nous nous suivrons à distance jusqu’à La Pallud-sur-Verdon.
L’heure du repas a sonné et c’est sans hésitation que nous prenons place à la table d’une terrasse ombragée pour partager des boissons en quantité et un repas bienvenu. Le moral des troupes est bon.
Après près d’une heure de pause réparatrice, nous reprenons la route en direction le col d’Ayen, 3Km de montée pour se remettre en jambe, le soleil est au zénith, mais le vent défavorable a au moins le mérite de nous rafraîchir.
Nous avons laissé partir devant notre diagonaliste Bernard D. en quête du BPF de Moustier Saint Marie.
Dans notre lancée, nous dépassons le point de rendez-vous prévu.
Après quelques longues minutes d’attente (c’est toujours comme cela : dans ces cas le téléphone ne marche pas !), je suis quitte à remonter la côte pour le rejoindre …
14H20, nous reprenons notre progression, personne ne fait de remarque, la cohésion du groupe est intacte…
Nous traversons à présent des champs de lavandes bordés de truffières, avant d’entamer une montée progressive vers le point de contrôle suivant.
Il est 16H25 et nous posons à tour de rôle devant le panneau du col d’Espinousse.
Le vent défavorable commence à nous marquer, nous avons accumulé un retard de plus d’une heure sur notre tableau de marche, sans tarder nous entamons la descente vers la vallée. Nous longeons et traversons la Bléone et son lit de galets pour déboucher sur la RN85 : la route Napoléon. Nous nous y engageons sans difficulté mais la file indienne est de rigueur tant la circulation est dense en provenance de
Digne à l’heure de la débauche…
Fort heureusement, le tronçon emprunté ne dépasse pas 1,5km. A Mallemoisson, la chaussée est en travaux et à la faveur de l’arrêt, surprise improbable, j’y croise un maillot du 1000 du Sud au visage familier, un jeune Allemand avec qui j’avais partagé l’aventure en septembre dernier. Nous échangeons quelques mots avant que je rejoigne mes coéquipiers installés à la terrasse d’un bar bienvenu.
17H30 nous reprenons la route les bidons pleins.
D’entrée le léger faux plat montant semble avoir pris de la pente supplémentaire avec l’aide du vent…
Puis arrive la montée plus pentue vers le col d’Hysope. Une vallée cultivée laisse place progressivement à des pâturages puis, à des végétations plus arides et un paysage minéral avant de retrouver un massif forestier verdoyant au Col de Fontbelle, cinquième point de contrôle. Il est 19H45
Sans tarder, nous plongeons pour 25 km de descente sur une route étroite mais peu fréquentée.
Lorsque nous nous regroupons au pied de la citadelle de Sisteron, il est déjà 21H00, les premiers pans de montagne baignent dans l’ombre, il nous reste plus de 30km à couvrir avant d’atteindre Saint Etienne les Orgues…
Nous avons conscience qu’un arrêt au restaurant ne sera pas possible. Comme convenu nous informons l’hôtelier de notre horaire d’arrivée, celui-ci accepte de nous confectionner des sandwichs en guise de repas.
A cette heure tardive, nous traversons la ville sans encombre malgré quelques nouvelles zones de travaux.
Avant de quitter cette dernière agglomération, nous effectuerons une dernière halte pour enfiler nos tenues de visibilité nocturne et refaire un dernier plein de bidon à une fontaine coulant en goutte à goutte (normal elle est située devant l’hôpital !)
J’ai hâte de rejoindre le lit promis, chaque minute perdue sera une minute de sommeil en moins.
Cette perspective me donne des ailes, je passe devant et imprime un rythme régulier, ni le vent, ni les faux plats, ni la nuit tombante ne me font effet. Il sera tout de même 22H30 passé lorsque nous arriverons à Saint Etienne.
Par manque de signalisation, un moment de flottement nous retardera pour rejoindre l’hôtel situé à l’écart du centre-ville. Pendant qu’avec Alain, nous empruntions la route du bas, nos compagnons croisaient la route d’un imposant sanglier par la route du haut…
Vélos mis au garage, sandwich rapidement avalé, une douche bienfaitrice, 23H00, je dors.
Jeudi 7 juin 2017 – 5H00, mes compagnons semblent être déjà réveillés dans les chambres voisines. Une toilette de chat suffira, le petit déjeuner reste la priorité de nos estomacs vides. Décidément, une nouvelle fois l’hôtelier n’a pas pris en compte notre besoin formulé par le mot « copieux »… Nous ferons razzia sur la table « sucrée » …
Nous ne tardons pas à nous mettre en selle, la température fraîche est vivifiante. Nous redescendons puis traversons le village, rien ne bouge mais une bonne odeur de pain prouve que cela ne va pas tarder …
La route en pente légère nous assure un échauffement progressif jusqu’au panneau de sortie de ville un peu égaré dans la nature…
5h40, le jour se lève, les photos sont prises, Lorsque Bernard D. nous fait une petite frayeur à la mesure de son rythme cardiaque. Plus de peur que de mal, quelques minutes plus tard, nous partons à l’assaut de la Montagne de Lure, 18 km de montée à peine tirés du lit …
Comme d’habitude en début de randonnée je laisse partir tout le monde et prends un petit braquet…
Nous traversons un massif forestier où les sapins se mêlent aux chênes, suivis de frênes.
La route est déserte, la verdure est reposante,…
Alors que je suis tenté d’augmenter la cadence pour rejoindre les échappés, au détour d’un virage j’aperçois au loin la silhouette du Ventoux,… je me ravise, cette image va me dicter retenue pour la matinée.
Après avoir traversé la forêt, les lacets nous mènent à une station de ski sans vie. La pente donne un peu de répit, et la forêt tamise les rayons du soleil levant avant que nous ne débouchions sur des terrains arides annonçant l’approche du sommet.
7H50, mes coéquipiers sont bien là à apprécier la vue imprenable…
Bernard S. arrivé en tête, s’offre un bain de soleil matinal …
Je ne m’attarde pas, je pars en éclaireur vers le point de contrôle situé 3 km plus bas dans la descente.
8H00, je pose mon vélo en équilibre près de panneau indiquant « le Pas de la Graille »,
Le vent soutenu finit par le faire chuter…Le temps de le relever, mes collègues sont là…
Le manège est bien rôdé, chacun pose pour le contrôle…
La descente nous tend ses lacets :
Quelques beaux virages en épingle précèdent des courbes moins piégeuses dans la forêt. A ce jeu, c’est encore Alain qui ouvrira la route. La traversée du village de Valbelle marque le retour à la civilisation, mais pas un commerce en vue…
Au bout de la route nous marquons l’arrêt, Bernard S. manque à l’appel… de longues minutes plus tard, à son arrivée, il nous avouera avoir eu très froid dans la descente.
Une pancarte indique une boulangerie à 3 km, cela tombe bien, c’est dans la bonne direction !
9H30 : nous prenons un vrai déjeuner à Noyer-sur-Jabron : viennoiseries, pizzas, café, boissons…
Le commerçant ira jusqu’à installer sa table de jardin sur le trottoir :
Après ce moment de plaisir partagé, nous reprenons notre progression en remontant le cours de la rivière Jadron. La pente est douce, dès le départ je suis repris par un cycliste local, le temps de retrouver mes jambes, celui-ci finira par prendre ma roue.
Au col de Pigière nous basculons dans le département de la Drôme.
Au carrefour suivant, je pose pied à terre afin de m’assurer que personne ne soit pas tenté de poursuivre la descente au lieu de prendre la direction du col suivant.
Nous croisons à présent de plus en plus de cyclistes avec à noter une majorité de jeunes femmes.
La route étroite, et peu fréquentée, sillonne dans une vallée peu encaissée à la végétation rase.
11H45 : nous atteignons le col de Macuègne, point de contrôle N°8, pour la première fois je cède l’appareil photo :
Suivent 10 km de descente tranquille sur une large route au bon revêtement jusqu’à Montbrun les Bains.
A l’entrée du village, le premier restaurant sera le bon, le menu du jour affiche des pâtes, quoi de mieux ?
Nous sommes confortablement installés en terrasse, le service est rapide, mais la température commence à monter, nous abusons d’eau avant de repartir.
Bernard D. est parti en éclaireur pour pointer le BPF du village de Brantes, nous nous retrouverons après le col des aires au col de Fontaube pour le point de contrôle N°9.
Il est 13H50, en face de nous se dresse le mont Ventoux, nous ne sommes pas pressés d’en découdre car la chaleur devient de plus en plus marquée. Alain, Maurice et moi-même décidons de nous accorder une petite sieste à l’ombre. Nous laissons les deux Bernard prendre de l’avance.
A peine le temps de fermer les yeux, des éclats de voix aux accents familiers résonnent dans cette campagne désertique… Je relève la tête et aperçois deux maillots RAA s’affairant devant le panneau de col : nous sommes rejoints par Dominique et Jean-Marie !
Sur ce, nous repartons ensemble en direction de Malaucène. En route, nous reprenons nos deux cyclistes partis en éclaireurs.
Il sera 15H25 lorsque nous nous acquitterons de la formalité photographique.
La ville est envahie de cyclistes et ce ne sont pas les terrasses de bars qui manquent.
Nous nous attablons pour une dernière prise de boisson avant l’ascension du point culminant de la randonnée.
16H00, pendant que Dominique et Jean-Marie vaquent encore à leurs préparatifs nous démêlons nos vélos avec quelques machines allemandes et prenons la direction du Ventoux.
Pour ma part c’est une première, un sentiment mélangé d’excitation et d’appréhension m’envahit,…
Quelle idée de se présenter au pied du mont chauve avec 400km dans les jambes !
Dès la première rampe, Bernard S. nous fait une frayeur, dans son style habituel (tout en force), au changement de plateau, un saut de chaine met notre grimpeur à terre au beau milieu de la chaussée !
Il nous faudra tout de même descendre de vélo pour le tirer de ce mauvais pas et lui donner une impulsion pour lui permettre de repartir avec plus de peur que de mal…
Depuis le départ de Carcès nous avons roulé de concert sans aucune défaillance, confiant, chacun montera le Ventoux à son rythme, le rendez-vous est pris au sommet.
Je mets petit, me cale sur 75 tours/mn de pédalage et c’est parti pour plus de 20km…
Je me concentre sur la ligne pointillée matérialisant la bande cyclable (une pensée pour Bernard, qui a du mal à tenir sa ligne …)
Je remonte progressivement mes coéquipiers au milieu d’un trafic où se mélangent, cyclistes, motos et autres véhicules à moteur plus ou moins rapides et pressés …
Je m’attendais à plus d’arbres sur le début de la montée, les pins verticaux sont finalement moins généreux en ombre que des feuillus. Il fait chaud, je tente (lorsque la pente le permet) de boire régulièrement par petites gorgées. Le vent ? A ce stade de l’ascension, je n’en ai pas souvenir…
Je finis par rattraper Alain qui raisonnable, monte au cardio, puis Maurice qui tente de contenir la surchauffe.
Je scrute les bornes indiquant la distance restante et la pente moyenne à venir,… Km après km, ou plutôt mètre après mètre nous progressons, cela parait long, pas de silhouette du sommet en vue et cela monte toujours, sous les encouragements continus des cyclistes s’acquittant de la descente.
A mi-chemin, un rondin de bois posé contre un arbre m’invite à faire une pause ombragée. Je m’y installe, j’ai besoin de manger, mes deux compagnons ne tardent pas à me rejoindre.
Je ne tarde pas à repartir en compagnie de Maurice afin de ne pas perdre le rythme.
Nous entrons dans les passages les plus pentus, comme dirait un ami : « mouline, mouline ! ».
Je sue à grosse goutte, mon bandana dégorge d’eau saumâtre, mes yeux me brûlent, je n’avance plus, je
suis contraint de m’arrêter. Je change le tissu et comme par magie je repars de plus belle.
Au loin se dessine enfin le profil dégarni du sommet, mais qu’il est encore loin !
Un court moment de répit au chalet Liotard me permet d’apprécier la vue sur la vallée et la montée
reprend déjà. La route est encore bordée par la forêt, les mouches ont fait leur apparition…
J’ai l’impression de n’avoir pédalé que d’une main tant elles m’ont occupé l’autre à les chasser.
L’équation fut simple : plus d’arbres – plus de mouches, le sommet se dévoile au-dessus de moi.
J’ai pensé prendre une photo, mais l’envie d’en découdre avec le paysage lunaire était plus forte.
Poussé par l’adrénaline, j’enchaine les virages. J’aperçois seulement Maurice en contrebas, encore un effort, la dernière rampe et je pose mon vélo au pied du panneau mythique. Il est 19H15.
Le ciel est dégagé, la vue imprenable.
Je ne tarde pas à me couvrir car le vent même modéré me transperce.
Maurice me rejoindra rapidement suivi d’Alain.
Nous sommes surpris de voir arriver Bernard notre diagonaliste avant le grimpeur de Floirac !!??
L’explication arrivera par un SMS :
Bernard monte à pied, victime probablement d’une fringale.
Dominique et Jean-Marie, bons samaritains, l’accompagnent.
C’est finalement après plus d’une longue heure d’attente que nous retrouverons son sourire.
Compte-tenu de l’état de troupes, durant ce temps Maurice tentera de trouver un hébergement pour la nuit à venir.
Après quelques minutes de récupération, Bernard semble être en mesure d’entamer la descente en direction de Bédoin, vers des températures plus clémentes.
La route est dégagée, nous lâchons les freins.
Une pensée pour nos amis cyclistes disparus au passage de la stèle en l’hommage de Tom Simpson, le chalet renard est en vue. Nous retrouvons progressivement la végétation. Les virages s’enchainent, un lièvre déboule, restons prudents !
A l’approche de Sainte Colombe, nous avons perdu près de 1400 mètres de dénivelé en moins de 17km et la température est à nouveau estivale. Il est près de 21H00, nos bidons sont vides, nous n’avons qu’une envie : passer à table !
Sans hésitation, d’un élan commun nous posons nos machines devant le premier établissement rencontré.
Bernard aura la sympathie du public, à peine descendu du vélo, des touristes allemands lui tendent un verre d’eau suivi d’un reste de plat de frites en guise d’apéritif …
Dominique et Jean-Marie se joindrons à notre table pour un convivial repas bienfaiteur.
L’hôtel affiche complet, nous commençons à envisager une nuit à la belle étoile,…
Les clients intrigués viennent à nous, les questions sont nombreuses…
A la réponse de « où allez-vous dormir ? », un client nous propose de passer la nuit dans sa maison en cours de rénovation située à deux pas de l’hôtel, nous nous empressons d’accepter…
Il est presque 23H00 lorsque notre hôte nous accueille dans une grande maison au bord de notre route.
Deux pièces inoccupées au rez de chaussées nous sont mises à disposition équipées d’un confort inespéré :
un grand lit que nous réservons à nos deux ainés, des tapis au sol, quelques oreillers, couvertures et même des bouteilles d’eau. Nous ne tarderons pas à éteindre les lumières.
Si le concert de ronflement atteste du sommeil réparateur de certains, pour ma part je suis sous l’effet du double expresso et des colas de Malaucène…je ne fermerai pas un œil. Je vais tourner, virer…
Vendredi 9 juin 2017 – 2H30 une envie devient pressente, je ne tiens plus, dehors la lune brille de tout son plein et la température est d’une douceur remarquable. A mon retour, sans hésitation je rallume les lumières, dans un silence total chacun se lève sans broncher. 3H00, nous avons repris la route.
Après quelques kilomètres d’échauffement, nous traversons Flassan. Dès la sortie du village, la pente s’élève vers le dernier col de notre périple. Sous la lumière de nos phares, la route étroite au bitume granuleux paraît interminable avec ses 10 km de
montée vers ce douzième point de contrôle.
Au débouché sur un axe routier plus large, Maurice victime d’un saut de chaîne …se déchaine, pendant que mon GPS me plante. (Je finirai sans, à la feuille de
route, pas de panique : le site Sorcière Monique me dépannera en moins de deux)
4H40, le flash crépite au pied du panneau indiquant le col de Notre Dame des Abeilles. Nous sommes arrivés groupés et rassurés, Bernard semble avoir bien récupéré.
La fraîcheur nous gagne, sans tarder, profitant de la puissance de mon éclairage, j’ouvre la route comme en plein jour. C’est une belle descente sur un enrobé de qualité.
Dans l’un des rares virages serrés un chevreuil immobile nous incitera tout de même à la prudence…
Passé le village de Sault, aux premières lueurs du jour, la température se rafraîchit encore.
Les effets de ma nuit blanche commencent à se faire sentir, je lutte contre le sommeil.
L’itinéraire emprunte à présent de longs faux plats montants, je mouline une fois de plus pour tenter de d’éliminer la Mélatonine (hormone du sommeil). Je m’accroche aux roues tant bien que mal…
Arrivés au village de Revest-du-Billon, seule la boulangerie est ouverte, pendant que mes coéquipiers dévalisent le rayon viennoiserie, je m’assoupis sur une table de bar sur le trottoir d’en face.
10 minutes me suffiront. Entretemps, un bar a ouvert ses portes, nous allons faire tourner la machine à café à plein régime. Le petit déjeuner y est pris en compagnie de Dominique et Jean-Marie dans une bonne humeur collective. Il nous reste environ 130km dans un délai de 10 heures.
Bénéficiant d’une pente descendante, 7H30, nous sommes à Banon, nouveau point de contrôle.
Les effets diurétiques du café se font également sentir.
Après être passés au pied du village perché, nous retrouvons des paysages de culture de lavande alternant avec des truffières. Les premiers rayons de soleil exultent le parfum des genêts toujours aussi généreux.
A 9H00 : nous sommes à Forcalquier, les commerces sont ouverts, nous faisons halte au supermarché pour un copieux et ultime ravitaillement. Nos deux « cinglés » nous y
précédent. C’est avec les sacoches débordantes que nous reprenons la route.
A l’approche de la plaine de la Durance, la circulation se fait plus dense, nous restons groupés en file indienne. Après avoir traversés d’Oraison, nous empruntons à nouveau des routes plus calmes, mais les collines se dessinent à l’horizon. La montée vers le plateau de Valensole se fera sur une chaussée marquée de rustine de goudron, nouveau prétexte de Bernard S. pour rouler à gauche !
Le ciel changeant du lever du jour se dégage peu à peu, une chaude après-midi se profile…
A Valensole, le ventre tiraillé par les bonnes odeurs de cuisine, nous nous contenterons de boissons fraîches à la terrasse ombragée d’un bar.
Les bidons pleins nous plongeons vers Allemagne-en-Provence. Ayant repéré précisément la position du panneau masqué par une haie je prends les devants. Accueillis par un chenil malodorant, nous ne nous éternisons pas pour les photos …
Nous traversons à nouveau des champs fleuris cultivés, des friches envahies de coquelicots, ainsi que des zones boisées offrant un peu de fraîcheur.
L’atmosphère est détendue…
Après une belle descente vers Quinson nous traversons le Verdon. Je ne peux résister à la photo tant la vue m’inspire … (pensée pour celle qui m’envie pour tous ces paysages traversés)
Encore un peu de patience et nous retrouvons la route empruntée deux jours plus tôt.
A Cotignac, nous avons la sensation de descendre dans une étuve.
La chaleur est soudainement suffocante.
Nous y sommes presque, un sentiment de joie m’emplit, nous sommes à peine pressés d’en finir…
15H10, le panneau de Carcès est atteint. Nous déposons nos vélos pour mieux nous congratuler, l’émotion est palpable.
Dernier rituel photographique, clôturé par un déclenchement automatique pour la photo de groupe.
Une pensée pour Dominique et Jean-Marie qui bien que partis deux heures après nous, nous ont devancés de plus d’une heure !
Avant la phase de relâchement, nous prenons rapidement la direction du camping, la douche d’abord, suivie d’une sieste certaine pour ma part…
Comme pour faire durer le plaisir, nous terminons cette journée par un repas commun dans un restaurant du village. Nous avons encore tant de souvenirs à relater et d’émotions à partager avant de reprendre la route le lendemain matin pour rejoindre nos familles…
CONCLUSION
Si l’allongement récent des délais doit permettre l’ouverture de cette randonnée à davantage de candidats, elle nous a permis de vivre et de partager une aventure comparable à celle d’une flèche Vélocio.
Sans la pression des délais, nous avons su niveler nos niveaux et maintenir la cohésion du groupe.
Nous sommes conscients d’avoir bénéficié de conditions climatiques convenables (Bien que nous ayons fixé la date de départ dès le mois de janvier dans notre agenda de club).
REMERCIEMENTS
- A mes proches pour leur soutien et leur patience.
- A Sophie Matter pour ce beau parcours exigeant et pour son implication.
- A notre hébergeur pour cette salvatrice nuit improvisée à Brun
- A l’ensemble de mes coéquipiers pour la bonne humeur générale et les plaisirs partagés
LEXIQUE
1 – R10000 : Randonneur 10000
« Le randonneur 5000 et 10000 est l’aboutissement de longues randonnées effectuées grâce aux organisations de l’AUDAX CLUB PARISIEN. »
Renseignements : http://www.audax-club-parisien.com/
2 – Cinglés du Ventoux
Epreuve consistant à gravir le mont Ventoux (en vélo) par les 3 routes principales dans un délai de 24heures
Renseignements : https://ffct.org/ff-cyclotourisme/nos-partenaires/confreries/les-cingles-du-mont-ventoux/
3 – BPF : Brevet des Provinces Françaises
Renseignements : https://ffct.org/randonner-a-velo/ou-quand-pratiquer/les-plus-beaux-sites-de-france-bcn-bpf/
ANNEXE
Simon LOHUES
Randonneur Autonomes Aquitains http://raacyclo.blogspot.fr/