AVANT PROPOS
A l’automne 2011, après mon 3ème Paris-Brest-Paris (PBP) et l’obtention de la distinction Randonneur 5000, je pensais avoir atteint le Graal.
Pour les non adeptes du cyclotourisme (version randonnée longue distance), le Randonneur 5000 crée en 1961, est l’aboutissement de longues randonnées effectuées grâce aux organisations de l’ Audax Club Parisien (ACP): il s’agit de totaliser sur une période de 4 ans maximum (ou moins pour les plus assidus sur leur vélo), 5000kms en ayant effectué des épreuves organisées ou contrôlées par l’ACP: PBP, Brevets Randonneurs Mondiaux (BRM), Flèche Vélocio et autres.
A peine le temps de savourer que j’apprenais la naissance d’un autre challenge: le Randonneur 10000; le délais est à présent de 6 ans pour accomplir ce défi avec des épreuves connues (PBP, BRM, Flèche Vélocio) et d’autres (obligatoires) comme un BRM de 1200km et une Super Randonnée.
Pour le BRM 1200, nous avons décidé avec les membres de mon club des Randonneurs Autonomes Aquitains de faire comme pour le BRM 1000 en 2011, à savoir l’organiser pour pouvoir l’accomplir; ce projet est en très bonne voie et le jour du départ est fixé au 6/07/14.
Restait donc la Super Randonnée.
Pour les non initiés il s’agit d’un brevet au cours duquel on doit effectuer à la date que l’on souhaite sur un circuit déjà établi (principe des randonnées permanentes) une distance de 600 kms minimum avec un dénivelé minimum de 10000m et ce, en autonomie totale (pas de voiture suiveuse +++).
A l’automne 2011, il existait seulement 2 parcours, l’un dans la Haute Provence et l’autre dans le Dauphiné … bien loin de Bordeaux tout ça!
Le projet randonneur 10000 du coup se trouvait un peu relégué aux oubliettes.
Mais un beau jour de septembre 2012, mon camarade de club Dominique Girold (qui venait juste de terminer le 1000 du Sud épreuve organisée par S.Matter qui est également responsable des Super Randonnées pour l’ACP), m’apprenait la naissance d’une SR dans les Pyrénées avec un programme alléchant: à cheval sur la France (un peu) et sur l’Espagne (beaucoup) avec presque tous les cols célèbres des Pyrénées Centrales pour la partie française et en Espagne un festival de petites routes toutes plus perdues les unes que les autres traversant sierras et autres canyon et défilés.
Avec mes 2 camarades de club Jean François Schiano (dont on reparlera) et Thierry Gobinaud, nous étions plus que motivés pour nous lancer dans l’aventure.
Quand je parle d’aventure, je devrais plutôt dire challenge du moins me concernant car c’est un sacré morceau à avaler: ce ne sont pas 10000 m de dénivelé qu’il faudra accomplir, mais 15000. (en 60 heures car un délais supplémentaire de 2 heures par 1000m de dénivelé en sus est accordé)
Restait à caser cette épreuve: 2014, il y aura le BRM 1200; 2015, c’est l’année de PBP et probablement un 2ème BRM 1000 nécessaire à l’obtention du R.10000; 2016 c’est loin …
Ce sera donc 2013 année déjà chargée car avec mes copains de l’ Amicale des Médecins de Pessac (AMP), toutes les années impaires depuis 2005, nous réalisons la traversée d’un massif montagneux (Hendaye-Cerbères en 2005, Thonon-Menton en 2007, Thonon-Trieste en 2009, Antibes-Thonon en 2011)
Et cette année nous avions prévu la Traversée de la Suisse du Bodensee à Zermatt du 7 au 14/07.
Je me disais que c’était une occasion unique pour tenter d’accomplir ce défi, que de pouvoir bénéficier de cet entraînement helvétique et décidais de tenter l’aventure après une semaine de repos complet.
La préparation du vélo et du matériel ne fût pas une mince affaire, car ayant décidé de jouer le jeu de la SR, il fallait que je sois autonome et le moins lourd possible.
N’ayant pas eu le temps d’équiper mon vélo ( 8kgs à vide) d’un triple plateau et d’un porte-bagages sur lequel j’aurais pu accrocher 2 sacoches, je partais donc avec ma sacoche de tige de selle habituelle (Vaude grand modèle) et ma sacoche de cintre (de même marque); la conséquence directe était que je partais sans sac de couchage, encore moins de sur-sac: il fallait que la météo soit avec moi ou alors ce serait l’hôtel.
Dans la sacoche arrière essentiellement des vêtements (gore-tex, veste gamex, chasuble réfléchissant et lunettes blanches pour la nuit, brassières et jambières, sur-chaussures imperméables) mais aussi une petite poche dédiée au sommeil (un tee-shirt coton, un sac à viande en soie pour se glisser dedans à condition d’être à l’abri, un gant et une petite serviette (10×20 cms), une petite brosse à dent avec dentifrice (petit tube) et 2 couvertures de survie, l’une pour le sol et l’autre pour me couvrir); aucun rechange … dur !
Je prenais également un minimum en cas de pb mécanique ou autre (quelques outils, 2 chambres à air avec cartouche de co2, une boite de rustines, chiffon, …)
Dans la sacoche avant, essentiellement de l’alimentation et des papiers (feuilles de route, photocopies de cartes de route, appareil photo, carte de l’ACP, stylo, espèces, carte bleue, carte d’identité, carte vitale, carte européenne, etc, …)
A cela il faut ajouter 2 bidons de 750 ml et une bouteille de 1,25 litre fixée sur la sacoche arrière.
Et l’éclairage me direz vous: à l’avant un phare alimenté par une dynamo située dans le moyeu de la roue avant (shimano) et 2 lumières arrières !!
Sans oublier un garde-boue arrière (qui ne pèse pas grand chose).
Le poids du vélo ainsi transformé avait plus que doublé: 17 kgs.
Après bien des tergiversations en raison des prévisions météo je me décidais de tenter l’aventure dès le lundi 22/07 (canicule annoncée pour la semaine mais risques d’orages moindre en 2ème partie de semaine) alors que J.F.Schiano (alias Jef) ayant une absolue confiance en la météo préférait différer son départ de 2 jours.
C’est ainsi que je prenais la route des Pyrénées dimanche 21 en fin d’après-midi, direction Bagnères de Bigorre.
Afin d’essayer de m’enlever toute pression, je n’avais établi aucun plan de route ni même réservé aucun hôtel que ce soit avant, pendant ou après la SR.
J’avais prévu de passer la nuit précédent mon départ dans ma voiture. (Scénic dont j’avais enlevé les sièges arrières et rabattu le siège avant droit de façon à pouvoir dormir confortablement sur un matelas)
En ce beau dimanche de juillet la température avoisinait 34° à 17h00 quand je quittais mon domicile de la banlieue bordelaise, mais n’était plus que de … 12°, 3 heures plus tard à mon arrivée en vallée de Lesponne où j’avais prévu de dormir avant de rejoindre Bagnères pour prendre le départ.
C’était un premier avertissement des Pyrénées, et je préférais redescendre un peu pour voir le thermomètre remonter afin de m’assurer une nuit confortable.
Je trouvais mon bonheur tout prés du village de Campan sur le parking du terrain de sport, à l’écart de la route (sur laquelle la nuit le trafic est nul).
Après un bon repas (crudités, taboulé et riz au lait) je m’endormais sans trop de problème vers 23h.
C’est le bruit d’un camion faisant demi-tour sur le parking qui me tirait des bras de Morphée à 6h15 et le jour ne m’avait pas attendu pour se lever.
Après un bon petit déjeuner je me dirigeais vers le stade de Bagnères de Bigorre où j’avais prévu de laisser ma voiture.
Ces instants précédant les départs sont toujours un moment délicat car il s’agit de ne rien oublier; ce sont aussi des moments un peu solennels car c’est le début d’ une histoire …
Je quittais mon véhicule (me demandant dans combien d’heures j’allais le retrouver), avec un mélange de joie de vivre une telle aventure et d’appréhension sur ce qui allait suivre…
LA RANDONNEE (ou plutôt la SUPER RANDONNEE)
La température est agréable, il n’y a pas un nuage.
Premier arrêt au bout de quelques centaines de mètres au panneau indiquant la sortie de la ville pour la photo du contrôle de départ: il est 7h40.
Dès les premiers kms que j’ai prévu d’effectuer à allure très modérée, je constate que le vent est défavorable ce qui ne me surprend pas (c’est le vent catabatique: l’air frais plus lourd accumulé la nuit sur les sommets descend, c’est le phénomène inverse du vent thermique qui remonte les vallées lors des chaudes après-midi).
Malgré ma faible vitesse, j’arrive à Ste Marie de Campan déjà transpirant en raison du vent contraire et de la succession de petites rampes.
Premier arrêt prévu au bar qui fait l’angle des routes des col d’Aspin et du Tourmalet: un petit café servant d’alibi pour que je puisse y laisser mes sacoches dont je n’aurai pas besoin pour l’ascension de la première difficulté (après avoir pris le soin de prendre sur moi de quoi réparer une crevaison, l’appareil photo et la carte de la SR).
Dès les premiers hectomètres, les sensations sont excellentes (l’absence des sacoches y est pour beaucoup et les conditions météo sont quasi parfaites car le vent a maintenant disparu).
Cette ascension est un régal et je m’applique à ne pas me griser; pour ma 8ème escalade du Tourmalet par ce versant, c’est probablement la plus agréable.
En dehors des 2 à 3 kms précédant La Mongie, le reste du col me paraît facile et c’est dans un état de fraicheur de bon augure que j’arrive au sommet 1h30 après avoir quitté Ste Marie de Campan.
Au sommet je crois rêver: pas un nuage, pas de vent et une température agréable à … 10h10. (je me dis que la suite va probablement être chaude)
Après avoir pris la photo de mon vélo sous la plaque commémorative du passage du premier coureur cycliste en ce haut lieu, j’enfile mes manchettes et glisse un morceau de journal sous le maillot et c’est parti pour une descente raisonnable au cours de laquelle je ne dépasserai pas les 75 km/h.
Moins de 2 heures après l’avoir quitté, me voici revenu au bar de Ste Marie.
Après avoir fait le plein des bidons et récupéré mes sacoches, je m’accorde un perrier menthe et 2 pâtes d’amande et c’est parti pour la difficulté suivante qui pour moi est nouvelle: le Sarrat de Gaye.
Je sens rapidement que j’ai récupéré mes sacoches et qu’il fait déjà chaud: les sensations sont beaucoup moins bonnes; il faut dire que la pente est irrégulière et que le revêtement «ne rend pas»
Bon gré mal gré j’arrive au sommet où je suis attendu par … des chevaux qui vont se montrer très familiers; en effet alors que j’avais péniblement hissé mon vélo au pied du panneau matérialisant le sommet (le Sarrat de Gaye est un contrôle obligatoire de la SR), l’un d’eux plus curieux que les autres, vient renifler ma monture et manque de la faire tomber.
Du coup je prends ma photo «à l’arrache» et décampe rapidement.
Au bout de 200 mètres je m’arrête pour noter mon horaire de passage (11h30) et c’est à ce moment que j’entends quelqu’un dire: «je savais que je rencontrerai du monde».
Je lève les yeux et découvre Louis (Dintrans), un ami de Sophie Matter, qui terminait d’escalader le col dans l’autre sens pour venir fixer sur le panneau peu visible du sommet une plaque de cadre de la SR. (c’est d’ailleurs grâce à Louis que Sophie a inclus le Sarrat de Gaye dans la Pyrénées-Pirineos de façon à atteindre les 15000 m de dénivelé)
Après avoir immortalisé cette agréable rencontre par une photo et conversé une dizaine de minutes, je laisse Louis accomplir sa mission et attaque prudemment la descente.
Louis m’avait dit que j’allais me régaler en escaladant l’obstacle suivant, la Hourquette d’Ancizan (que j’avais découverte en 1976), mais malgré l’ambiance champêtre que je retrouve comme dans mes souvenirs, je ne suis pas à mon aise; à mi-pente (qui n’est pas très rude sur ce versant), je décide d’ une pause casse croute et me déleste d’une barquette de taboulé et d’une tablette énergétique.
J’arrive péniblement au sommet à 12h55, prends encore une photo de ma monture pour les besoins du contrôle et redescends dans la vallée de la Neste d’Aure.
J’arrive à Guchen dans une ambiance à présent très chaude et refais le plein des bidons.
Je connais le col suivant et je ne suis pas très rassuré.
Après un passage très désagréable (chaussée défoncée par des travaux pendant 4 kms), je retrouve à Estansan la route du col d’Azet et c’est le début d’une galère: la chaleur est écrasante, malgré plusieurs bidons ingurgités, j’ai la sensation de soif … et de nausée et voilà à présent que j’ai la tête qui tourne et pour couronner le tout, je sens (déjà) poindre un début de crampe; j’essaye de ralentir, mais je suis proche du sur place et me dis que le plus sage est de m’arrêter dés que je trouverai de l’ombre.
Chose faite au bout de quelques centaines de mètres, un kilomètre à peine après le village d’Azet à près de 5 kms du sommet; tout s’améliore rapidement avec ce repos salvateur sauf les sensations vertigineuses qui me préoccupent à présent car ce n’est déjà pas confortable au repos mais pour rouler c’est bien pire.
Je pense à un début d’insolation et me rafraîchis la tête; voyant que le repos n’y change rien, je décide de repartir tranquillement; la progression est compliquée car chaque irrégularité de la chaussée accentue brutalement mon instabilité et je commence à me poser des questions sur la suite car le sommet approchant, je redoute la descente dans ces conditions.
Le col atteint à 15h03 (km 98), je m’accorde de nouveau une bonne période de repos après mon 5ème contrôle photo (pour lequel je suis obligé de faire un peu de ménage pour accéder au panneau indiquant le sommet, une dizaine de cyclistes belges étant déjà là).
Il y a un peu d’air, je déguste une pâte d’amande en admirant le paysage et du coup il me semble que je vais mieux.
La descente prudente m’apporte une fraicheur bienvenue; à Génos je retrouve mon groupe de belges; eux iront directement rejoindre la route du col de Peyresourde alors que, fidèle au tracé, je fais le tour du lac de Loudenvielle en recherchant un point d’eau.
Les sensations sont meilleures, mais lors d’une remontée de la route à Armenteule je me rends bien compte que je suis sérieusement entamé.
Je dois à présent lutter contre autre chose: l’idée d’abandonner.
Un mauvais génie dans ma tête m’explique qu’au village suivant (Estarvielle), il suffit que je tourne à gauche et non à droite pour bénéficier d’une bonne descente à l’issue de laquelle je n’aurais que le col d’Aspin à remonter pour retrouver ma voiture au bas de l’autre versant.
Après avoir une nouvelle fois rechargé en eau à ce fameux village, je m’empresse de tourner rapidement à droite sans réfléchir, pour entreprendre à présent l’escalade du col de Peyresourde.
Je sens dans mon dos la chaleur du soleil mais force est de constater que ses ardeurs baissent légèrement.
Les crampes sont toujours menaçantes et je gère au mieux …
Malgré tout je finis par arriver au sommet que je franchis sans m’arrêter car il n’y a pas de contrôle et je me rends compte que les vertiges ont à présent complètement disparu; après une longue descente me voici à Luchon (km 132) où j’ai prévu un arrêt ravitaillement.
Une tartelette aux fruits et un perrier menthe avalés, je suis obligé de sortir un peu de la ville sur les indications de la boulangère à la recherche d’un supermarché car les petites épiceries du centre sont fermées: c’est lundi ! Zut, je n’y avais pas pensé.
Mes emplettes en prévision de la nuit étant terminées, j’entreprends à présent l’escalade du col du Portillon qui marque le passage en territoire espagnol; l’ambiance est très moite et ma vitesse très médiocre mais peu importe car l’important est de rouler dans ce type d’épreuve, l’allure est secondaire.
De nouveau je gamberge en réalisant qu’en faisant demi-tour et en passant par Lannemezan, je ne suis pas très loin de la voiture.
Je suis ramené à la réalité par les premières gouttes qui ont pour conséquence de sérieusement rafraîchir l’ambiance.
Prévoyant une aggravation de la pluie je m’arrête pour enfiler mes couvre-chaussures et je suis dépassé par un groupe de cyclistes espagnols nettement plus âgés … que je ne reverrai qu’au sommet ce qui me confirme que je suis bien à la ramasse.
En fait la petite pluie ne dure pas mais la température a chuté de plusieurs degré et au sommet (pas de contrôle donc pas d’arrêt) j’ai presque froid ce qui ne s’arrange pas dans la descente.
En basculant en territoire espagnol je sais que je vais avoir à parcourir un des tronçons les moins intéressants de la SR: route large, circulation importante, faux plat montant; en plus le soir commence à tomber, je ne suis pas réchauffé et me sens vidé physiquement et moralement.
L’idée de l’abandon me reprend car en passant par la vallée (St Béat-Montréjeau-Lannemezan), je peux encore rejoindre Bagnères facilement.
Je chasse ces idées néfastes et commence à envisager la suite: ayant déjà traversé des périodes de doutes lors d’épreuves précédentes, je sais qu’il faut s’arrêter et manger chaud de préférence à table, avant d’affronter la nuit.
J’arrive à Vielha à 20h00 (km 166) et j’ai l’embarras du choix en matière de restaurant; sans hésiter je rentre dans le premier à l’entrée de la ville. Je suis rapidement servi car je suis le premier client.
Malgré un excellent repas (melon, jambon, paella et riz au lait) je grelotte de froid et d’épuisement et je n’imagine pas dans ces conditions être en mesure de passer ce soir la difficulté suivante, le Port de la Bonaïga à plus de 2000m qui est également un contrôle de la SR; de plus le premier village susceptible de m’accueillir après le sommet est très loin .
Je ne vois guère de solution à mon problème car, si je m’arrête dormir à Vielha je risque de me mettre en difficulté pour la suite de l’aventure par rapport aux horaires.
Je commence à me faire à l’idée de terminer la boucle en plus de 60 heures, c’est à dire de valider la SR en touriste (et pas en randonneur) ce qui est insuffisant pour le Randonneur 10000.
C’est à ce moment là que je reçois un sms d’encouragement d’un copain qui va me donner l’énergie nécessaire pour continuer.
Il est 21h00 et me voilà reparti; le temps est frais mais je me réchauffe vite.
Il n’y a pas grand monde sur la route à cette heure-ci et la nuit commence à tomber; je progresse lentement; heureusement la pente n’est pas trop prononcée.
Après une douzaine de kms, ma décision est prise: je vais jouer la sécurité en m’arrêtant dans un hôtel à Baqueira (grosso-modo à mi-col, km 180).
Il est 22h00 (je pensais rouler plus longtemps mais les conditions climatiques m’ont usé et il vaut mieux dormir que de trop se trainer)
Après une première tentative (complet), je trouve mon bonheur au 2ème hôtel; prévoyant de repartir très tôt, je négocie le prix à la baisse car je ne pourrai pas prendre le petit déjeuner.
Une fois dans ma chambre j’en profite pour faire une petite lessive (sans lessive) et file à la douche qui me fait un bien fou (pour un peu je repartirais presque).
Je m’endors à 23h00 en moins de 30 secondes.
J’avais mis le réveil à 5h00, mais je suis réveillé ½ heure avant.
Je me prépare tranquillement tout en mangeant une pâtisserie achetée à Luchon et je quitte furtivement l’hôtel endormi à 5h00.
La température est douce et les sensations plutôt bonnes.
Après avoir réveillé 2 chevreuils qui détalent à ma vue, j’arrive au bout de 10 kms au sommet: il est 6h02 (!)et il fait encore nuit (un peu compliqué pour la photo prise «à l’aveuglette»)
Force est de constater qu’à 6h00 du matin à plus de 2000m d’altitude il fait un peu frais.
J’hésite à sortir ma veste gore tex, bien pliée dans ma sacoche …
Après quelques hésitations, je choisis de m’en passer (erreur?), préférant rajouter du journal entre mon tee-shirt mouillé et mon maillot mouillé recouvert d’une veste légère coupe-vent (+ le chasuble réfléchissant); j’en serai quitte pour grelotter une bonne partie de la descente pendant plus d’une heure car même si le jour est levé depuis un bon moment, le soleil est toujours caché derrière les montagnes!
Il se montrera un peu avant Sort (km 239), grosse bourgade dans laquelle je m’arrête pour un «desayuno» bien mérité (double café, 2 bocadillos con jamon y tomate et tartelette aux fruits: merveilleux!!!)
Je repars les bidons et le ventre plein, il fait à présent bon et la route est toujours en faux plat descendant: le bonheur.
Les kms défilent vite et me voici bientôt arrivé à Gerri de La Sal (km 251)où il ne faut pas manquer l’embranchement: c’est la fin de la descente et le début des petites routes blanches.
C’est également le commencement de la difficulté suivante et le soleil commence à chauffer; à mi-col j’arrive à 9h10 au village de Péraméa (km 255) où je dois prendre une photo.
J’en profite pour refaire le plein des bidons à la fontaine; après Péraméa, la pente se fait plus douce et le point haut est atteint au village de Montcortes.
La descente se fait dans un décors magnifique de roches rouges avant d’arriver au village de Senterada qui marque le début du col suivant La Creu de Perves: peu de circulation, pente raisonnable mais il fait déjà chaud.
Au sommet je croise un cycliste danois avec lequel je discute quelques minutes en mangeant un morceau de sandwich que j’avais acheté le matin à Sort: il m’apprend qu’il est parti du Pays Basque et espère rejoindre la Méditerranée.
De nouveau une belle descente et me voici à El Pont de Suert (km 300) où je refais le plein des bidons en prévision de la suite.
La route est à présent en montée mais contrairement à ce que je craignais, il n’y a pas trop de trafic.
Je quitte cet axe après 6kms pour affronter le Puerto de Bonansa: plutôt raide et il n’y a pas un souffle d’air … mais les jambes répondent bien (comme depuis le début de la journée)
Le sommet se situe 2 kms après le village du même nom où je n’ai pas trouvé d’eau; j’avais bien fait d’être prévoyant à El Pont de Suert !
Je dégaine une nouvelle fois mon appareil photo.
Après un autre morceau de «bocadillo»je repars pour un long faux plat descendant dans un décors magnifique de roches calcaire: le Congosto de Obara.Ce que je n’avais pas prévu, c’est un fort vent contraire (de sud) qui m’oblige à pédaler.
Après ce défilé, le paysage sous un soleil de plomb est beaucoup plus ouvert; ça continue à descendre en suivant la rivière mais le vent est toujours contraire et brûlant.
La route est à présent plate depuis plus de 10 kms et ne présente pas un grand intérêt;
Cette monotonie va s’interrompre en quittant la vallée du Rio Isabena pour traverser la Sierra del Castillo de Laguarrés au prix de l’escalade du col du même nom.
Avec la montée la vitesse chute et je me rends compte que je suis dans un véritable brasier (43°au compteur!)
Ce sera l’endroit le plus chaud de la SR jusqu’à Grauss.
Passée cette difficulté j’arrive à 16h05 à Benabarre (km 367 contrôle suivant), importante bourgade que l’on peut éviter … si on n’a pas besoin d’eau (une photo du panneau d’entrée suffit).
Je suis donc obligé de rallonger un peu et en plus ça monte pour rejoindre le centre.
L’arrêt dans un bar est le bienvenu et je m’offre un vichy catalan (le perrier local) sans menthe (inconnue en Espagne) accompagné du reste du sandwich du matin plus pâtes d’amande.
Je repars dans la même ambiance surchauffée et galère un peu pour retrouver ma route: chaud et peu pittoresque à mon goût jusqu’à Grauss à 20 kms de là (la vue du lac de barrage n’y changeant rien).
Grauss est une ville qui offre pas mal de possibilités en matière de restaurants et d’hôtels; malheureusement, elle est mal située pour pouvoir être une étape de la SR, la distance restant à couvrir étant trop importante pour être faite sur une seule journée.
C’est l’occasion d’un nouvel arrêt dans un café où je me fait préparer 2 nouveaux bocadillos con tomate y jamon, l’un consommé sur place et l’autre bien rangé dans la sacoche pour la nuit ou le lendemain matin; le tout accompagné de l’incontournable vichy catalan et d’une pâtisserie sans oublier le plein des bidons.
Le bar étant climatisé, je me fais de nouveau assommer par la chaleur en reprenant le vélo.
La tendance est à présent à la hausse (je parle de la déclivité de la route) et je suis bien content de quitter l’axe principal dès la sortie de l’agglomération pour la traversée de la 2ème sierra de la journée: la Sierra de Toron.
La chaleur toujours présente est tout de même un peu moins forte et au fur et à mesure que je prends de l’altitude, le panorama alentour se dévoile.
La route est très peu fréquentée (pour ne pas dire plus) et la randonnée redevient agréable.
Un peu plus loin sur la droite j’aperçois un monastère bouddhiste (s’ils étaient venus chercher la solitude, ils sont servis!) et la lecture de mon altimètre m’indique que «j’ai pris» 500m depuis Grauss: c’est un véritable col … qui n’a pas de nom.
Le sommet (en pente douce) arrive enfin et le temps a changé; la température est à présent agréable et des nuages d’allure inoffensive (dans un premier temps) sont apparus.
Cela sent l’orage et il me tarde d’être au contrôle suivant pour y trouver éventuellement un refuge ou un restaurant avant la nuit.
Troncedo (km 405) arrive à 19h30.
J’ai la désagréable sensation d’être dans un village fantôme: pas âme qui vive, pas un bruit … pas rassurant, d’autant plus qu’à présent l’orage gronde au loin.
J’entends tout de même à quelques rues de là le bruit … d’un ballon de football; je m’y dirige et
trouve 2 gamins en train de jouer.
Je vous passe les difficultés pour communiquer mais après leur avoir montré ma carte de route ils finissent par comprendre que je cherche un endroit pour manger, pas très loin et éventuellement un hôtel sur ma route: mauvaise nouvelle il n’y a rien dans les parages à moins de quitter le circuit, ce qui est évidemment exclu.
Je repars donc en me demandant ce que me réserve la suite de mon aventure.
Heureusement, la route descend car malgré la présence du soleil à gauche coté plaine, ce sont les nuages bien noirs sur ma droite qui gagnent peu à peu la partie; le tonnerre gronde et je suis en train d’essayer de repérer un abri dans la montagne au cas où …
Et ce qui devait arriver arriva: les premières gouttes puis la pluie; j’essaye d’accélérer pour arriver au village suivant mais je m’épuise assez vite.
L’averse n’est pas très importante, pourtant au fur et à mesure que je progresse, la chaussée est recouverte de grosses flaques.
Tierrantona arrive (km 417), il est 20h00.
Alors qu’il pleut toujours (et j’ai froid), contre toute attente dès l’entrée du village à gauche je vois un restaurant dans lequel je me précipite: c’est totalement inespéré.
C’est à ce moment là que je me rends compte que je viens d’échapper à un orage de grêle musclé: le patron est en train de balayer devant sa porte la grêle qui s’y est accumulée et me fait remarquer que les feuilles des arbres alentour sont complètement hachées !
La chance est toujours avec moi en la personne d’un consommateur local qui parle parfaitement le français (en fait, il est français mais vit dans ce bled perdu!).
J’ai trouvé mon interprète; je m’enquiers des possibilités hôtelières à venir: rien avant Laspuna 25 kms plus loin avec une difficulté à franchir, plus le temps du repas, je n’y serai pas avant 23h00.
(je n’ai pas le réflexe de faire téléphoner pour que l’on m’y réserve une chambre)
Mais sur place, il y a des chambres à l’étage (ce qui n’était pas indiqué à l’extérieur).
Dehors à présent il pleut fort mais je ne suis pas inquiet car je suis à l’abri et j’attends mon repas; je me dis que le ciel est en train de se purger et que c’est bon signe pour la fin de la soirée et le début de la nuit.
Le service est un peu (beaucoup) long mais cela valait la peine car le repas était excellent.
Il est tout de même plus de 21h, dehors c’est toujours le déluge, il fait quasiment nuit et mon interprète m’explique qu’il s’agit d’un très gros orage plutôt exceptionnel mais que demain il fera beau … je veux bien le croire.
Je n’ai absolument pas prévu de m’arrêter déjà, mais il faut me rendre une nouvelle fois à la raison: il n’est pas question que je reparte sous la pluie battante sans avoir la certitude d’un hôtel à venir et rester sur place sans rien faire, c’est le pire.
Je décide donc de dormir là en prévoyant de partir tôt le lendemain matin: réveil à 4h30 pour décollage à 5h00 car la dernière étape va être plus copieuse que prévu.
Après le rituel habituel (douche, lessive, préparation du paquetage), je m’endors rapidement bercé par les trombes d’eau.
A minuit je suis réveillé par … la pluie; décidément, cet orage est long à finir et je me rendors pas inquiet.
2 heures plus tard, nouveau réveil et la pluie est toujours aussi intense; je commence à gamberger et envisage les différentes possibilités qui s’offrent à moi au cas où il pleuvrait toujours le lendemain matin: de l’abandon (inenvisageable) à la poursuite de l’aventure comme si de rien n’était (irréaliste).
Le sommeil a du mal à revenir et est haché de cauchemars aussi farfelus les uns que les autres ..
L’un d’eux fini par me réveiller pour de bon; il est 4h00 et le miracle se produit: je tends l’oreille et ne parviens pas à entendre la pluie; je me lève promptement pour vérifier et découvre une nuit étoilée … youpiii!!
Je suis complètement réveillé, pressé d’en découdre; le sempiternel bocadillo con jamon avalé en guise de petit déjeuner, je rejoins à pas feutrés mon vélo qui avait dormi bien à l’abri au rez de chaussé.
Me voilà en selle sous la voute étoilée: il est à peine 4h50; l’air est doux, la route à peine humide.
Je me dis qu’une fois de plus, j’ai de la chance mais je reste très concentré sur l’objectif final: être à Argelès Gazost à environ 200 kms de là avant 19h40.
Après les premiers kilomètres en légère montée, une brève descente me conduit à une nationale où le trafic est inexistant à cette heure.
Après 3 kilomètres, j’oblique à droite dans la nuit pour emprunter une nouvelle route blanche; c’est cette portion qui avait enchanté Sophie Matter; malheureusement, je ne la verrai pas.
C’est le début d’une nouvelle ascension qui va durer une douzaine de kilomètres: la route est bonne, la pente modérée, c’est parfait pour un début de 3ème journée.
Ma seule inquiétude est de ne pas voir le prochain contrôle; en effet il n’y a qu’un seul hameau à traverser (Los Molinos) et pour prouver mon passage effectif par ce tronçon, je dois photographier (dans la nuit) un panneau indiquant un belvédère, situé environ 5kms après Los Molinos (il doit y avoir un beau point de vue … de jour: frustrant!)
Finalement, je le repère facilement.
Je suis au km 435, il est 6h18.
Me voilà rassuré, le sommet de la côte arrive bientôt et je vois les premières lueurs du jour: tout va bien.
Après quelques kilomètres de descente, et la traversée pavée (comme annoncée) de Laspuna, me voici à Escalona (km 443) qui se trouve sur un axe routier important par lequel on accède à la France en passant par le tunnel de Bielsa à 35 kms de là.
Il fait à présent bien jour et la difficulté suivante se profile; en effet après un kilomètre sur la route rouge, j’oblique à droite: cap au nord ouest vers le massif du Mont Perdu (le bien nommé).
Après le petit village de Puyarruego, la route devient à sens unique (pendant douze longs kilomètres): je rentre dans le Parc National de Ordesa, plus exactement dans le Canyon de Anisclo: une pure merveille.
La route commence à s’élever et je suis à présent complètement seul: pas âme qui vive (je verrai des marcheurs 12 kms plus loin et la première voiture à l’approche de Sarvisé, à 30 kms de là).
La route se dégrade vite et je ne peux pas trop profiter du paysage, trop occupé à surveiller ma trajectoire: en plus des nids de poule, je dois également naviguer entre les déchets végétaux en tous genre (feuilles, branches) et pierres accumulés sur la «chaussée», conséquence du gros orage de la veille.
La route est spectaculaire avec des passages sublimes; mais l’ambiance est un peu lugubre: il fait à peine jour du fait de l’encaissement, au fond le torrent gronde, il fait très frais et je me fais arroser copieusement par des ruissellements incessants venus de la paroi en surplomb de la route.
Cette portion bien que spectaculaire, me paraît interminable.
J’arrive enfin au belvédère de La Tella (km459: contrôle), qui marque la fin du canyon mais pas de la montée.
J’y retrouve avec plaisir (pour une fois), le soleil: il est 8h00.
J’ai une pensée pour un autre RAA (Jef) qui à cette heure a déjà du prendre le départ et doit se trouver quelque part sur les pentes du Tourmalet …
La route est de nouveau à double sens, mais ce n’est pas pour cela qu’elle est davantage fréquentée (surtout à une heure aussi matinale).
L’ambiance est radicalement différente: fini l’obscurité et la fraicheur, fini la chaussée dégradée: place à une jolie route gentiment ensoleillée et offrant de belles perspectives; bien que moins grandiose c’est bien plus agréable.
Après 8 kms et 350 mètres supplémentaires de dénivelé, je passe le col de Fanlo en laissant sur ma gauche à quelques hectomètres, le village du même nom.
La descente s’effectue sans problème et me voici bientôt à Sarvisé (fin de la descente) puis 3kms après à Broto.
C’est l’heure d’un bon petit déjeuner bien mérité (déjà 2 ascensions et plus de 4 heures 30 de selle: il est 9h30).
Broto est une grosse bourgade qui offre pas mal de possibilités en matière de restauration et hôtellerie.
Je ne tarde pas à trouver un café qui propose des désayunos variés et copieux.
Je reste fidèle à mon bocadillo con jamon y tomate (plus un autre pour la route), tartelette aux fruits, double café, une grande bouteille d’eau gazeuse, un brin de toilette, le plein des bidons et me voilà paré pour la suite.
L’arrêt a été volontairement un peu long car j’ai prévu que ce serait le dernier de ce coté de la frontière.
A ma sortie, la chaleur est de retour.
Il me reste un dernier obstacle à gravir pour rejoindre la vallée qui me conduira en France par le col du Pourtalet.
Après 2 kilomètres en direction du nord, la N-260 oblique brutalement vers l’ouest, laissant continuer vers le nord une route s’enfonçant dans le Parc d’Ordesa ( juste derrière Gavarnie et le Port de Boucharo)
C’est le début de l’ascension suivante; bien que la pente soit raisonnable, je m’élève rapidement: sur ma gauche dans la vallée, Broto est déjà loin.
Fini les petites routes, je retrouve la cohabitation avec les voitures (circulation raisonnable).
Après 9 kilomètres j’arrive à Linas de Broto, puis 4 kilomètres plus loin au sommet du Puerto de Cotefablo, matérialisé par un long tunnel de plus de 600 mètres.
La descente est agréable et bien vite arrive le village de Gavin (km 505) qui est le dernier point de contrôle espagnol.
Il est 11h38.
Je m’arrête peu de temps pour faire la photo et me désaltérer, mais c’est suffisant pour me rendre compte qu’il fait déjà bien chaud.
3 kilomètres plus loin, c’est la fin de la descente.
L’idée d’attaquer mon avant dernière ascension et de me retrouver bientôt sur des routes connues me galvanise.
Mon euphorie est de courte durée: je suis dans une vallée très évasée, écrasée par le soleil; la route est large et la circulation est relativement importante.
Je m’attendais à une escalade régulière et facile mais je dois déchanter, la montée se fait par à coups et j’ai l’impression de ne pas avancer.
En fait, c’est plus qu’une impression je suis complètement scotché à la route.
J’arrive ainsi péniblement à Escarilla au kilomètre 521; j’ai gravi la moitié du col.
Sur la gauche de la route, un bar avec des tables bien protégées par des parasols, m’invite à une pause fraicheur.
Zut ! Il est déjà 13heures, l’heure à laquelle je pensais être au sommet: il va falloir cravacher pour terminer dans les délais.
Me voici attablé à l’ombre à déguster mon sandwich acheté le matin à Broto, accompagné d’un vichy catalan et suivi d’une pâte d’amande (ou 2).
Les bidons sont de nouveau pleins et me revoilà reparti.
La pause m’a fait du bien et avec l’altitude qui augmente, la chaleur est moins gênante.
Le vent est faible mais plutôt favorable et j’arrive enfin au sommet.
Il est déjà 14 heures et malgré mon retard je décide de m’arrêter pour mon dernier repas avant Argelès, ensuite la longue descente de la vallée d’Ossau me permettra de digérer pour attaquer le ventre plein le redoutable col d’Aubisque.
J’ai vite fait de retrouver le petit restaurant dans lequel nous nous étions arrêtés avec quelques copains au cours d’une sortie d’entraînement, courant juin.
Malheureusement, le service est très long et je suis complètement frigorifié en raison de l’altitude mais surtout de la fatigue.
Cela valait le coup d’attendre car le repas chaud me fait un bien fou.
Après avoir mis mon coupe-vent et les brassières (je ne suis pas encore complètement réchauffé), j’attaque la descente sous le regard bienveillant de Jean Pierre alias le PMO (Pic du Midi d’Ossau) et je prends le temps d’apprécier le paysage du Cirque d’Anéou.
Je retrouve ma chaleur en arrivant aux Eaux Chaudes et décide de m’arrêter un peu avant la fin de la descente pour me découvrir avant l’assaut final.
L’inversion de pente arrive bientôt, je laisse sur ma gauche la route menant à Laruns non loin de là et je tire tout droit en direction du col d’Aubisque; ce sera ma 8ème ascension par ce coté et sans doute la plus pénible: un véritable chemin de croix !
Jusqu’aux Eaux Bonnes, tout va bien, la pente est modérée; après, je sais que les choses vont se compliquer … et elles se compliquent !
Je m’interdis de regarder la montre car cela ne me fera pas avancer plus vite; je suis en équilibre, en survie et regrette bien le triple plateau que je n’ai pas eu le temps de faire installer (bien fait, j’étais averti).
Je connais la route par coeur et ce n’est pas un avantage quand on est cuit (par la chaleur et la fatigue).
Je redoute le passage à 14% immédiatement après le pont sur le Valentin (je me demande encore comment je n’ai pas mis pied à terre).
Je ne transpire plus, je suis en fusion et c’est à ce moment là que je suis attaqué par une nuée de taons (il doit y avoir des troupeaux à proximité).
C’est infernal, je me fais piquer de façon incessante au travers des vêtements et je ne peux me défendre car il me faut mes 2 mains pour tirer sur le cintre pour m’aider à progresser.
Le calvaire interminable dure plus de 20 minutes; je ne pense qu’à une chose: faire demi-tour pour pouvoir prendre de la vitesse et me débarrasser de ces satanées bestioles.
Et la délivrance arrive; tout d’un coup sans que je ne sache pourquoi, les insectes disparaissent quelques kilomètres avant Gourette.
La pente est infernale et j’atteins enfin la station de ski complètement exténué.
Je n’ai pas le choix il faut encore que je m’arrête, de toutes façons les bidons sont encore vides.
Je regarde ma montre: il me reste moins de 2h30 pour terminer … c’est jouable, mais je ne pourrais pas trainer au sommet de l’Aubisque comme je l’avais rêvé tout au long de cette SR, en sirotant un perrier menthe.
Je repars après avoir ingurgité des litres et pris mes 2 dernières munitions (2 pâtes d’amande).
La suite est toujours aussi pénible j’en suis à me demander si je ne ferai pas mieux de monter à pied: presque 50 minutes pour faire les 4 derniers kms (quasiment 3 heures pour la totalité de l’ascension, soit le double de mes temps habituels).
Il est 18h09 et je suis en haut (km 580, mon compteur en affiche 6 de plus, peu importe)
Je prends le temps de la photo, pas d’arrêt au bar.
Le passage par le Cirque du Litor et sa route en corniche entre Aubisque et Soulor est toujours un ravissement; je sens que le défi est en passe d’être gagné… prudence je ne suis pas à l’abri d’un ennui mécanique.
La dernière ascension est courte et facile; je suis au sommet de la dernière difficulté: cette fois c’est quasiment dans la poche; il me reste une heure pour la descente du Soulor et le faux-plat descendant du Val d’Azun. Je préfère ne pas m’arrêter et entame ma dernière descente; seule une chute ou un ennui mécanique pourraient m’empêcher à présent de rallier l’arrivée dans les délais; je redouble de prudence et de concentration et c’est à 19h13 que j’appuie mon vélo contre le panneau d’entrée d’Argelès; mon compteur indique 614 kms: c’est gagné (à 27 minutes près !!!)
Fini de scruter la montre, le temps s’arrête.
La photo est prise pour immortaliser l’instant et mon premier coup de fil est pour rassurer mon épouse.
J’adresse ensuite un sms à Sophie Matter pour signifier mon arrivée, puis un à Jef (comme on l’avait convenu) et un dernier à Benoit (mon fils ainé, également cycliste).
Michel PAISSARD
EPILOGUE
Avec le sentiment du devoir accompli, je me laisse glisser jusqu’au centre d’Argelès où j’y ai mes habitudes: j’arrive sur la place centrale à coté de l’église et m’installe à une table; la température est à présent agréable.
Tout en dégustant un perrier menthe (enfin!) et un plat de pâtes au roquefort, je passe quelques coups de fil et envisage la suite …
La SR est terminée mais il me reste plus de 35 kms à parcourir pour retrouver ma voiture et il est à présent 20h00.
L’idée de remonter sur le vélo et d’avoir à rouler de nouveau avec les lumières ne m’enchante pas du tout et je suis en train de me dire que je vais dormir sur place à l’hôtel quand je reçois un coup de fil de ma fille ainée qui se trouve miraculeusement à quelques kilomètres de là: totalement inespéré.
C’est donc en voiture que j’effectuerai le parcours Argelès-Bagnères et force est de constater que le trajet n’est pas tout plat.
Et c’est non loin de Tarbes, que je passerai la nuit avant de reprendre la route le lendemain matin pour retrouver mon domicile bordelais.
Je n’ai pas besoin de vous raconter qu’il n’a pas fallu me bercer pour que je trouve le sommeil.
En guise de conclusion, je voudrais ici remercier Sophie Matter pour avoir inventé cette magnifique épreuve.
Au rayon des regrets, pas grand chose si ce n’est de ne pas avoir pu profiter de tous les paysages: je pense au Puerto de la Bonaïga mais que je connaissais déjà pour l’avoir gravi en 1976 et au tronçon précédent le belvédère de San Lorien.
Si je devais donner des conseils sur cette SR, j’en formulerais 2:
– équipez vous d’un triple plateau pour votre confort.
– terminez la randonnée même hors délais pour avoir la satisfaction de figurer au palmarès.
Pour ceux qui prétendent au titre de Randonneur sur cette épreuve, le découpage suivant me paraît équilibré:
1er jour Argelès – Sort (de façon à passer la Bonaïga) 240kms; D+:6600
2ème jour Sort – Broto 240kms; D+: 5400
3ème jour Broto – Argelès 128kms; D+: 3400
En espérant que de nombreux cyclos viennent allonger le palmarès et en attendant de lire leurs compte rendus (à défaut d’avoir lu celui de mon suivant-prédécesseur: comprenne qui pourra …)