Pendant la Semaine Européenne de la Ferté, j’avais piloté Pascal Constant, non-voyant de Toulouse. En nous racontant nos histoires de vélo, je lui avais parlé de mon attachement à Pâques en Provence. Depuis que Daniel Merlet nous a fait découvrir cette Concentration en 1975, je n’en ai pas manqué beaucoup, avec les Flèches pour s’y rendre, et maintenant les Traces. Alors bien sûr, quand Pascal a eu envie de participer, il a su à qui demander. « Ne t’inquiète pas, j’apporterai le tandem et pour l’hébergement, je ferai comme vous ». Après la super-expérience de la Ferté et aussi cette passion pour Pâques en Provence, je n’ai pas hésité.
Maintenant, il fallait trouver un itinéraire plat car je grimpe très mal (pour une ‘100 cols’, c’est fort) et, en tandem bien sûr, c’est plus dur. Avec Alain, équipier de toutes les Traces depuis 2001, Dominique et Jean-Paul qui ont déjà participé avec nous, l’équipe est formée. L’hébergement trouvé et l’itinéraire tracé, il ne reste plus qu’à pédaler. L’itinéraire me plaît bien, essentiellement sur de petites routes blanches, plat à part le passage du col d’Aleyrac à 480 m, mais on ne peut pas faire mieux et, pour le dimanche matin, le col de Veaux à 386 m.
Nous nous retrouvons tous jeudi soir (sauf Dominique qui est à l’hôtel à Sault) à notre location de Malemort-du-Comtat à 10 km à l’est de Carpentras. Vendredi matin Alain est de corvée pour préparer le tandem : changement de la selle et des pédales et pose d’une sacoche de guidon. À 9 h nous partons pour une balade d’échauffement. Michel nous accompagne jusqu’à Sarrians. Nous empruntons l’itinéraire du lendemain matin : cette reconnaissance est très utile car les petites ‘blanches’ entre Malemort et Monteux ne sont pas faciles à trouver. Il fait beau malgré un vent froid, c’est vraiment très agréable de se promener dans cette région que nous aimons retrouver. J’essaie d’expliquer le paysage à Pascal, avec beaucoup de vignes, des cerisiers en fleurs, l’eau qui coule à flots dans les canaux d’irrigation, parfois un champ inondé, les muscaris qui fleurissent les accotements (lors d’un arrêt je lui ferai découvrir cette fleur en forme d’épi). Et bien sûr le Ventoux, très enneigé sur fond de ciel bleu, il est magnifique. À midi nous pique-niquons sur un banc, bien à l’abri du vent il fait chaud. Je suis même en T-shirt mais il ne faut pas rêver, je remets le pull avant de repartir. Après-midi tout aussi agréable sur les petites routes et les petits villages bien restaurés entre leurs rues étroites, de beaux campaniles, parfois un château. À l’arrivée le compteur affiche 114 km.
Samedi matin 6 h, départ des Traces Vélocio. Tout le monde a son éclairage et son baudrier. Nous avons plus d’une heure de nuit avant le lever du jour. Nous apprécions notre reconnaissance d’hier et retrouvons facilement nos petites blanches jusqu’à Monteux, puis Sarrians. Le jour se lève, il fait froid, le ciel est très gris, le vent faible est favorable. Encore une petite blanche par les Sablons pour gagner Jonquières, puis Camaret, Sérignan, Rochegude et Suze-la-Rousse : les vignes alternent avec les champs d’oliviers et les bois de chênes-liège. Au loin, les Dentelles de Montmirail et le Ventoux dans l es nuages. Première bosse pour arriver à Chamaret et sa tour si élancée qu’on la voit de très loin. Après Chantemerle nous empruntons la D 541 en rouge sur la carte pendant quelques km (on ne peut l’éviter). Heureusement elle est bordée d’une bande cyclable, ce qui la rend supportable. Nous sommes bien contents de la laisser pour nous diriger vers Allan, Espeluche et la Bâtie-Rolland. Le ciel est toujours très gris, il ne fait pas chaud mais il ne pleut pas et c’est déjà beaucoup.
Nous pique-niquons dans un café à la Bégude-de-Mazenc.
Le vent se lève, il devient fort et maintenant défavorable puisque nous changeons de direction. Ce n’est pas trop grave au départ car dans la montée d’Aleyrac nous serons abrités dans la forêt. Nous voici devant la seule difficulté de la journée : le col d’Aleyrac à 481 m. Nous le montons doucement, chacun à son rythme : Dominique et Jean-Paul devant, Alain qui a mal à un genou derrière.
Finalement ça passe bien, mais peut-être que Pascal a pédalé plus que sa part. Belle descente sur Taulignan, puis Valréas, Visan et le vent …Un vent fort qui ne nous cloue pas sur place mais qui ralentit bien notre progression et surtout qui nous siffle aux oreilles avec violence, impossible de parler avec Pascal. Le ciel est désespérément gris dans une végétation de soleil. Après avoir perdu de vue les Dentelles de Montmirail et le Ventoux, les voilà de nouveau dans notre horizon. À Cairanne l’arrêt est le bienvenu : avec les km et le vent, les jambes commencent à être lourdes. Encore quelques VO avant Violès. Jean-Paul qui a toujours le mot pour rire se moque de moi lorsque dans un virage très serré après un arrêt ou pour faire demi-tour je préviens Pascal que je fais ‘trottinette’. Après Vacqueyras la départementale est un peu passagère mais bordée par une bande cyclable. Guidés par Dominique nous passons Carpentras facilement, puis Mazan. La remontée sur Malemort en fin de journée avec le vent en prime est un peu pénible. Le compteur affiche 195 km, je suis assez contente, c’est la première fois que je fais une telle distance en pilotant un tandem. Bien sûr, j’ai mal aux épaules et l’échauffement au niveau de la selle est plus important qu’à vélo, mais rien d’insupportable.
Les Traces ne sont pas finies et il nous reste 50 km et le col de Veaux à faire demain matin pour gagner Brantes. Nous pensons qu’en partant à 7 h 30 ce sera suffisant. Il a plu une bonne partie de la nuit avec de l’orage.
Quand nous nous levons à 6 h il pleut encore, une petite pluie fine, nous faisons avec. Nous partons avec 20 min de retard, mais miracle, il ne pleut plus. Mazan, Caromb, le Barroux, j’avais oublié cette bosse qui grimpe à 400 m avant Malaucène. Ça ralentit l’allure … et en plus je suis obligée de demander un arrêt à Pascal pour soulager un échauffement de la selle. Petite descente sur Malaucène, puis Entrechaux, le Pas du Voltigeur, le col de Veaux, ça, c’était prévu. Mais ce que j’avais oublié, c’est que la route continue à monter après le col. Alors ça, c’est moins drôle et nous n’allons pas arriver de bonne heure à la Concentration et certains copains vont déjà être repartis. Effectivement en haut de la bosse nous croisons Didier Hume du CJF. Il est en voiture et rentre à Fleury. Nous nous arrêtons. Il me raconte sa Flèche, c’est la Concentration qui commence avant Brantes … Quelques cyclos et cyclotes sur la route … belle descente dans la vallée du Toulourenc puis juste 1 km de remontée pour arriver au joli village de Brantes.
Une tente sur la gauche, quelques tables à l’intérieur, Yvette Pendu de l’ACP attend les derniers traceurs. Je lui remets nos cartes de route riches de 246 km et heureuse de cette randonnée. Mais je me sens un peu frustrée par la Concentration : je n’ai pas beaucoup de temps pour m’attarder à la table des 100 cols, peu de cyclos sous cette tente ; nous allons ensuite nous inscrire à la Concentration dans la cour de l’école. Encore quelques cyclos de connaissance et notre Président fédéral (il a aussi fait une Trace). Nous pique-niquons sur un banc un peu plus loin à côté de nos amis tourangeaux, face au Ventoux dans les nuages. Avant de partir, il faut faire la photo de notre équipe. Juste avant de partir, je rencontre Francis, des 100 cols de Montauban, je lui présente Pascal toujours à la recherche de pilote pour faire des brevets ou des randonnées plus importantes que ses sorties du dimanche matin à Toulouse. C’est encore un réel plaisir de saluer Micheline et Pierre Roques.
Cette fois nous rentrons, en passant par Sault et les gorges de la Nesque sous le soleil qui veut bien se montrer cet après-midi, c’est magnifique.
Le WE se termine, il nous a manqué un peu de soleil, mais pas une goutte de pluie, c’est déjà beau. Je suis vraiment heureuse d’avoir réussi ces Traces en tandem et d’avoir permis à Pascal de participer. Pascal et le reste de l’équipe sont aussi très satisfaits de cette randonnée.
Seule déception pour Pascal, son chauffeur Sylvia lui annonce en arrivant qu’elle veut rentrer le lundi matin, lui qui espérait faire le Ventoux avant de partir. Il avait tellement insisté pour me convaincre que j’avais fini d’accepter d ’essayer. De toute manière nous n’aurions pu aller en haut à cause de la neige mais Pascal voulait essayer jusqu’à ce qu’elle nous arrête.
De plus je ne suis pas assez en forme pour tenter cette ambition : l’échauffement au niveau de la selle sera difficile à résoudre sans répit et j’ai aussi encore mal aux épaules. Pascal en avait tellement envie que je suis déçue pour lui.
Maryvonne DRIARD-TERRIER (Orléans Cyclo-Touriste)